L’année 2021 a vu naître la plus grande crise énergétique que nous ayons connue depuis les années 70 et ses chocs pétroliers. Cette situation résulte de trois crises interdépendantes :
- Tout d’abord, dès 2021, les tarifs de l’énergie se sont envolés suite à la reprise économique post crise sanitaire,
- Par ailleurs, le conflit Russo-Ukrainien au début 2022 a fait peser de lourdes menaces sur l’approvisionnement énergétique en Europe, ce qui a amplifié la hausse des prix de l'énergie,
- Enfin, la production électrique française a été historiquement basse, passant de 522,9 TWh en 2021 à 445 TWh en 2022.
Dans ce contexte difficile, le système électrique français, a toutefois su s’adapter pour garantir la sécurité d’approvisionnement aidé en cela par les pouvoirs publics et les consommateurs. Pour y parvenir, la France a dû importer de l’électricité - une première depuis 1980 - et mettre en place une politique ambitieuse de sobriété énergétique.
Les Français ont moins consommé d’électricité en 2022
La consommation brute d’électricité* a baissé de 4% par rapport à 2021. Une baisse qui s’explique principalement par des températures plus douces en 2022 et par l'envolée des prix de l’électricité. Ainsi, les Français ont moins consommé d’électricité sur la période hivernale.
La consommation à températures corrigées des variations météorologiques - qui ne tient pas compte des fluctuations de températures constatées d’une année sur l’autre - montre une diminution de 1,7% par rapport à 2021 (467 TWh) et de 0,4% par rapport à 2020 (461 TWh). Elle atteint 459,3 TWh en 2022.
En comparaison des moyennes entre les années de références 2014 et 2019, la consommation d’électricité en 2022 est en baisse de 4,2%.
* Consommation brute d’électricité : c’est la consommation totale d’électricité. Elle comprend la consommation finale des consommateurs mais aussi la consommation nécessaire à fournir l’électricité, les pertes dues à la transformation et au transport et les écarts statistiques telles que la météorologie
Quels secteurs ont réduit leur consommation ?
A l’été 2022, les énergéticiens et le gouvernement appellent à la mobilisation générale pour réduire les consommations de gaz, mais surtout d’électricité. Les risques sur le réseau électrique étant importants, les industriels, professionnels et particuliers ont été sollicité pour agir en faveur de la sobriété énergétique.
Le secteur industriel, plus gros demandeur d’énergie, a fortement réduit sa consommation d’électricité. Le résidentiel et le tertiaire ont suivi la même tendance.
Concernant les particuliers (ou « secteur résidentiel »), les baisses de consommation sont liées à la hausse des tarifs, les Français ayant voulu ne pas faire exploser leur facture, et à une prise de conscience du besoin de sobriété. Néanmoins, la mobilisation nationale autour de la consommation d’électricité semble avoir également eu un impact sur la baisse de consommation en 2022.
Les effets du plan de sobriété et de l’engagement des particuliers comme des professionnels est particulièrement visible. Grâce à cette baisse globale de la consommation, la France a pu éviter les coupures d’électricité et le fameux blackout tant redouté.
Une production électrique en forte baisse, qui atteint son plus bas niveau depuis 1992
En 2022, la production électrique française représente de 445,2 TWh, soit son plus bas niveau depuis 1992. Cette production est 15% inférieure à celle constatée en 2021, selon RTE.
Cette baisse historique est la conséquence directe de deux phénomènes :
- Le parc nucléaire français a connu de nombreuses difficultés avec l’arrêt forcé de 21 réacteurs suite à la découverte de problèmes de corrosion et d’un parc vieillissant à entretenir. Cela a fait chuter la production de 82 TWh vs 2021.
- 2022 a été une année particulièrement douce avec des températures historiquement hautes et une pluviométrie faible. En conséquence, la production d’électricité hydraulique n’a pas réussi à compenser la faible disponibilité des centrales nucléaires. L’hydraulique a très peu produit et atteint son plus bas niveau depuis 1976. Une chute de production de 12 TWh en 2022 par rapport à 2021.
C’est l’énergie solaire (+ 4 TWh vs 2021) et la production des centrales à gaz (+ 11 TWh vs 2021) qui ont permis de compenser en partie les baisses de production d’électricité, mais à un coût très élevé compte tenu des prix de cette énergie fossile. Et malheureusement, les centrales au fioul ont également été beaucoup plus sollicitées qu’en 2021. Pour faire face à la crise, la centrale à charbon de Saint Avold a même dû être réactivée alors qu’elle avait été fermée définitivement début 2022.
Pour information : les centrales électriques sont appelées à produire en fonction du coût de l'énergie et de la pollution qu'elle émet, c'est le principe du merit order. C'est pour cela qu'en premier lieu, l'électricité appelée est nucléaire, puis renouvelable en fonction de la disponibilité et en dernier recours, thermique.
Enfin, pour compenser cette baisse de production, la France a été contrainte d’importer de l’électricité en 2022 (+ 16,5 TWh en import), une première depuis l’année 1980 ! Pour mémoire, la France a quasiment toujours été exportatrice nette d’électricité depuis plus de 40 ans.
Un bilan carbone négatif en 2022
Un des constats du bilan électrique de l’année 2022 est la hausse des émissions de gaz à effet de serre. La production d’électricité a atteint 25 MtCO2éq contre 21,5 MTCO2éq en 2021. L’empreinte carbone a donc été conséquente en 2022.
Cette hausse de la production carbonée est notamment due au recours massif à des centrales thermiques pour compenser la baisse de production d’électricité nucléaire et hydraulique. Notons cependant que la France est parvenue à ne pas sursolliciter ses centrales à charbon par rapport à 2021, leur production a même été en léger retrait de 1 TWh.
Malgré une production d’électricité plus polluante en 2022 qu’en 2021, il faut souligner que la France reste une bonne élève en matière de production décarbonée si on la compare à ses voisins européens. L’Allemagne a par exemple émis 10 fois plus de gaz à effet de serre que le parc français en 2022.
Autre fait notable dans ce bilan électrique 2022, le volume d’installations dites renouvelables a battu un nouveau record avec 5 GW installés dans l’année (croissance record de 9,6% de capacités supplémentaires dans le monde). Le parc éolien a de son côté progressé de 1,9 GW en 2022 et le solaire a continué son développement avec un rythme conséquent de 2,6 GW installés sur l’année.
2022 a aussi vu éclore la mise en service du 1er parc éolien maritime français à Saint-Nazaire : 80 éoliennes qui alimentent l’équivalent de la consommation annuelle de 700 000 personnes en électricité, pour une puissance de 480 MW. Un chantier d'envergure qui a commencé au 1er septembre 2020.
Enfin, le facteur météorologique a une forte influence sur la baisse de la consommation, particulièrement en fin d’année 2022. Cette année aura été la plus chaude jamais observée en France. L’été 2022 a été le plus ensoleillé depuis 1991. Paris comptabilise, par exemple, 892 heures et 54 minutes d’ensoleillement, soit une hausse de 40% par rapport aux normales de saison entre 1991 et 2020. Il est à noter qu’un meilleur ensoleillement aura permis d’augmenter la production d’énergie solaire de 31% sur l’année et réduit le besoin en énergie.
Ce qu’il faut retenir de ce bilan électrique 2022 :
- La production électrique a fortement baissé, atteignant un record historique (baisse de 15% par rapport à 2021).
- La consommation électrique globale a également diminué du fait de l’envolée des prix et de la prise de conscience des Français liée aux risques pesant sur l’approvisionnement des foyers et des entreprises. Des températures plus clémentes ont aussi eu une influence sur cette baisse, la France étant un pays particulièrement thermosensible en matière d'électricité.
- Les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté avec la forte sollicitation des centrales thermiques, notamment celles au gaz, mais la France reste tout de même l’un des pays dont l’électricité est la plus fortement décarbonée.
- La France est passée d’exportatrice nette (+43,3 TWh en 2021) à importatrice d’électricité (- 16,5 TWh).
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